Thousand shades of green - Perform Lab
Thousand shades of green - Perform Lab

Thousand shades of green

Jean-Marc Chomaz, avec la participation de Giancarlo Rizza, Vincenzo Giannini, Jean-Michel Wierniezky, Hynd Remita, Mireille Benoit et Anaïs Lehoux et d’Olga Flor

 

Thousand shades of green est une installation à nano-échelle où des nanoparticules métalliques transforment la lumière, et émettent mille nouvelles nuances de vert, en fonction de l’angle de notre regard avec la lumière. Colorer est un geste artistique, une utilisation sensible de la lumière associée à la perception visuelle humaine. Mais colorer relève toujours aussi de processus physico-chimiques – l’effet des pigments, teintures, et leur éclairage etc. – associés à l’interaction entre photons et matière à l’échelle moléculaire.

Mais l’installation Thousand shades of green à nano-échelle met en jeu une nouvelle interaction entre lumière et matière qui permet de créer la couleur verte de manière différente, Elle se passe non plus à l’échelle des molécules – comme pour la chlorophylle A, ou pour l’acéto-arsénite de cuivre, comme c’est le cas pour des pigments tels que le vert de Paris ou le vert de Scheele – mais à nano-échelle, une échelle intermédiaire donc entre le grain de la matière, les atomes de 0,1 nm, et le grain de la lumière visible, les photons de 500 nm pour la longueur d’onde verte, par exemple. À cette nano-échelle, un autre phénomène se produit : les particules métalliques perçoivent le champ électromagnétique des photons de façon cohérente, et ce champ crée à leur surface des quasi-particules appelées plasmons, couplant lumière et plasma de surface, et réémettant de la lumière colorée lorsqu’elles sont éclairées en lumière blanche.

On se souvient que les verriers romains maîtrisaient une technologie non encore reproduite à ce jour, leur permettant de doper le verre de nanoparticules d’or et d’argent afin de créer, entre autres, la coupe de Lycurgue conservée au British Museum. Celle-ci apparaît verte éclairée de face, mais rouge lorsqu’elle est rétroéclairée.
L’installation Thousand shades of green présente un ensemble de solutions colloïdales de nanoparticules spécialement synthétisées au Laboratoire de chimie physique d’Orsay, des nano sculptures inviables à l’œil comme au microscope optique car de taille inférieure à celle des photons qui compose la lumière visible. Ces solutions fortement diluées devraient être transparentes si ce n’était l’intense résonnance des particules avec les ondes électromagnétiques des photons. Certaines contiennent des empilements de nano-triangles d’argent, d’autres des nano-bâtonnets d’or pur, mais toutes sont pourtant vertes. Ces particules sont dichroïques comme celles de la coupe de Lycurgue, et le jeu du regard fait apparaître un camaïeu de verts, des couleurs métalliques attestant d’une autre interaction lumière-matière, et révélant 1000 nouvelles couleurs encore à nommer.

Une seconde installation Thousand shades of green, an attempt, constituait un défi lancé à la communauté scientifique, les nano gravures étant réalisées et réalisables seulement sur des aplats inférieurs au millimètre carré alors qu’ici elle est tentée sur plus d’un centimètre carré. Pour réaliser cet effet il est prévu théoriquement de recouvrir un disque de verre d’une couche métallique nano structurée dont la taille varie continument afin de réaliser des plasmas de surface dont la fréquence de résonnance varie développant ainsi une palette de verts. La difficulté de réalisation est extrême car la gravure doit être réalisée par un faisceau d’ions de forte intensité parfaitement colmaté afin de graver des motifs dont l’échelle est de quelques milliers d’atomes. Le point critique étant que les incisions dans le métal soient suffisamment précises et profondes pour que les plasmons restent localisés sur chaque élément de gravure. L’installation Thousand shades of green, an attempt est ainsi une gravure ou plutôt lithographie réaliser à une échelle plus petite que celle de la lumière visible au-delà de nos capacités actuelles d’écriture de la matière.

Le projet Thousand shades of green est mené en collaboration avec Giancarlo Rizza, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Vincenzo Giannini, chercheur au Conseil espagnol de la recherche (CSIC), les chercheurs de l’institut polytechnique de Turin, Jean-Michel Wierniezky, souffleur de verre à l’École polytechnique, Hynd Remita, Mireille Benoit et Anaïs Lehoux, chercheuses en physico-chimie au Laboratoire de chimie physique, CNRS/Université Paris-Sud, assisté d’Olga Flor, artiste diplômée de la Design Academy Eindhoven.

Photo © Axel Heise OU\ /ERT : Phytophilie – Chlorophobie – Savoirs Situés, Emmetrop-Transpalette Bourges, 2019.

Thousand shades of green – an attempt (2019) Passé : installation à l’Hotel Lallemant dans le cadre de Bourges contemporain, 2 aout 2021 au 16 septembre 2021 (photo Margot Montigny)