















Rêve quantique – le jour où j’ai imaginé l’océan –
Quantum Dream
Virgile Novarina, Walid Breidi, et le collectif LABOFACTORY (Jean-Marc Chomaz, Laurent Karst)
Une installation et « performance du sommeil » qui révèle, par un procédé d’ombroscopie proche de l’onirique, la richesse de l’expérience intérieure pendant le sommeil, malgré l’immobilité apparente du dormeur. Une mise en dialogue de l’intense activité cérébrale avec les forces du vivant qui animent l’océan, dont la surface lisse masque l’activité profonde.
Née d’une collaboration entre Virgile Novarina, Walid Breidi, et le collectif LABOFACTORY (Jean-Marc Chomaz, Laurent Karst), avec la participation de Didier Bouchon, Antoine Garcia et Giancarlo Rizza, l’installation – performance « Rêve quantique » a été conçue en équipe de 2018 à 2021 au Laboratoire d’Hydrodynamique CNRS – École polytechnique, avec le soutien de la Chaire « arts & sciences », de l’École Polytechnique, de l’École des Arts Décoratifs – Université PSL et de la Fondation Daniel et Nina Carasso.
Note d’intentionLorsque nous dormons, notre cerveau traverse différents états créatifs, nous voyons des formes et des couleurs dans l’obscurité et nous entendons des sons dans le silence. Il y a donc un véritable fossé entre l’apparence inerte d’un dormeur et la richesse de son expérience intérieure. L’installation Rêve quantique propose au visiteur une relecture sensorielle et poétique de ce paradoxe. Dans la pénombre, un dormeur muni de capteurs semble interagir avec un mystérieux objet, une cuve transparente circulaire contenant un océan miniature, inerte en apparence — de l’eau dormante —, mais dont les mouvements intérieurs sont révélés au sol par un jeu d’ombre et de lumière. Volutes, courants, vagues, et tourbillons, invisibles à l’œil nu, apparaissent au sol, traduisant en temps réel l’activité invisible du cerveau endormi.
Dans cet océan miniature, les couches d’eau de densités différentes sont séparées par des interfaces naturelles, qui une fois agitées donnent naissance à des phénomènes révélés au sol par un procédé d’ombroscopie. Les courants qui à la surface de l’océan sont générés en premier lieu par les alizés, sont ici induits par une mécanique invisible, elle-même contrôlée en temps réel par les variations des ondes cérébrales du dormeur, notamment l’onde delta, associée au sommeil profond. S’engage alors une succession d’états de l’océan déclenchés par l’activité du cerveau comme un souffle au dessus des eaux, révélant la force poétique des profondeurs du sommeil.
En mécanique quantique tout ensemble de particules, tout objets, est décrit par une fonction d’onde globale régie par l’équation de Schrödinger. Cette fonction évolue en temps et en espace de façon déterministe et est seulement contrainte par les quantités conservées du système (énergie, charge, impulsion, spin). Opérer une mesure consiste alors à appliquer à la fonction d’onde, une transformation représentée par un opérateur appelé observable. Nos sens comme nos instruments de mesures scientifiques appliquent un tel opérateur sur la réalité ondulatoire du monde dont nous ne percevons alors qu’une ombre sophistiquée.
Ainsi la réalité de l’électron en interaction avec le proton du noyau d’un atome d’hydrogène, est-elle représenté par une fonction d’onde définie par une énergie dont la valeur est quantifiée. Appliquer une observable à cette orbitale électronique en interrogeant par exemple la localisation de l’électron, sa position mesurée, va modifier l’état du système de façon irréversible et probabiliste car la réalité de l’électron pourtant parfaitement déterministe était d’un autre ordre ondulatoire.
Le cerveau comme les océans sont des ensembles de particules en interaction. La pensée, le rêve, la conscience, représentent des vibrations complexes mettant en jeu une fonction d’onde possédant une infinité de degrés de liberté. La mesure opérée par le casque, interagit avec cette fonction est la projette sur une poignée de modes d’oscillations à la fois révélation et trahison de la réalité profonde de l’imaginaire.
En retranscrivant ses modes en un forçage mécanique d’un océan de laboratoire, l’installation Rêve quantique reconnecte la puissance du songe avec le système a nombre fini de degrés de liberté des ondes internes et des courants profonds. La course des photons traversant ces mouvements marins est transformée à son tour et laisse une ombre liquide sur le sol. Le performeur endormis rentre ainsi dans le jeu d’ombre et de lumière de son propre rêve.
Photographies : Julie Everaert, Ambre Kirsch, Melissandre Vidal et Jean-Marc Chomaz