
Orogénie des brumes
Nicolas Reeves, Jean-Marc Chomaz, avec Anastassova, Yoanna & Vincent Cusson de L’UQAM, Quentin Benelfoul et Anthonin Gourichon.
L’installation se présente comme une petite forêt dont les troncs sont faits de colonnes de brumes – une brumeraie – qui se déploient en hauteur pour évoquer une canopée. Son atmosphère, maintenue dans un clair-obscur permanent, est légèrement embuée. De minces lames de lumière changeantes créent des plans lumineux obliques qui révèlent le mouvement interne des brumes. Plusieurs haut-parleurs hyper directionnels, créant des faisceaux acoustiques aussi délimités que ceux de faisceaux lumineux, émettent un très léger murmure provenant de la transposition du mouvement des brumes en ondes sonores lorsqu’elles sont perturbées par le passage des visiteurs. À intervalles irréguliers d’autres ondes sonores se font entendre, très puissantes et de très basse fréquence. Ces ondes transcrivent l’occurrence de séismes à la surface du globe, tels que détectés par les instituts sismologiques de la planète et retransmis en temps réel par internet. L’amplitude et la fréquence de ces ondes graves sont définies par la magnitude et la distance entre les épicentres des séismes et le lieu de l’installation. Les déplacements d’air que ces infrasons génèrent, perturbent localement l’équilibre des brumes, créant de brèves oscillations qui se propagent dans les brouillards pendant plusieurs secondes, agitant les troncs des arbres de brume et créant des motifs changeants dans les plans définis par les lames de lumière.
Il s’établit ainsi entre l’architecture invisible des vents, la foret des brumes évanescentes et les massives plaques tectoniques un dialogue de vibrations et de tremblements à l’échelle humaine. L’intrication totale des phénomènes et des temps géologiques, atmosphériques et biologiques en devient tangible perçue à travers le mouvement des corps, la moiteur dans les poumons, le contact de l’air sur la peau, la vibration de la lumière et la pression à notre oreille. Immergé dans les nuées, les lumières et les sons qui agitent la brumeraie, le visiteur prend conscience de l’ensemble des rythmes du monde et synchronise avec eux son tremblement intérieur.