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Irréversibles abstractions – Dissolution des mondes flottants - Perform Lab
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Irréversibles abstractions – Dissolution des mondes flottants

Jean-Marc Chomaz et Tania Le Goff, trame musicale de Vincent Rouchon

 

Les deux bassins de l’installation mettent en œuvre la dispersion entropique par la dissolution simple et irréversible de blocs de sel et de caramel. La surprise provient du fait que l’évolution vers l’uniformité complète ne se fait pas selon un effacement progressif et continu, mais par suite de métamorphoses créant une vaste cosmologie de formes dynamiques, abstraites et éphémères. Cette suite pourrait être vue comme un refus du non-être, un chemin repoussant à l’infini le néant qui en est la limite.

On pourrait penser que ces deux pièces représentent des vanités modernes et abstraites, belles comme le sont les fleurs qui se fanent, ou les feuilles de l’automne que le vent emporte. Mais ici, les métamorphoses s’enchaînent à l’infini, itérations de plis et replis faisant de la dissolution une expérience sublime et sensible de l’irréversibilité, une abstraction tangible de l’odyssée du temps-espace.

Dans le premier bassin, un bloc de sel gemme extrait de couches géologiques profondes libère, en se dissolvant, le récit ancien de cet océan asséché dont il est la mémoire. Les échantillons proviennent des rebuts d’un laboratoire d’étude des stockages souterrains. Dans une strate d’halite, une cavité est creusée en injectant de l’eau pour dissoudre le sel. Elle est ensuite utilisée pour stocker temporairement de l’essence, ou définitivement des déchets. Pour stocker des déchets radioactifs, il faudrait les sceller dans des couches situées à plus de mille mètres de profondeur, le sel formant une gangue étanche en fondant autour d’eux. Dans ce bassin, les échantillons sont libérés du questionnement scientifique et semblent revenir dans le cycle géologique en retrouvant l’océan primordial.

Installation Irréversibles abstractions – Dissolution des mondes flottants, conçue dans le cadre du Lab 1 • Symbiose de l’éphémère par Jean-Marc Chomaz et Tania Le Goff, trame musicale de Vincent Rouchon (photo Olivier Gaulon).

Le second bassin convoque les imaginaires des contes, de la cuisine et des jeux d’enfants en construisant, à l’aide de simples planches de bois, des histoires fantastiques. Dans ce monde fabuleux, les blocs de caramel, en fondant, entraînent les courants d’un océan miniature. L’eau sucrée, plus lourde que l’eau claire du bassin, plonge vers les profondeurs.
Ces océans imaginaires, animés par la fonte des blocs de caramel ou de sel, évoquent les nôtres dont la circulation profonde, dite thermohaline, est animée par les eaux tropicales salées qui se dirigent vers le nord, portées par les courants de surface. Refroidies aux hautes latitudes, ces eaux plongent dans les profondeurs de l’océan dans un labyrinthe de courants lents qui les ramèneront à la surface après un millénaire.

Les deux bassins inventent des histoires parallèles, l’une nacrée, l’autre terreuse. Une tension se crée entre la froideur d’un artéfact de laboratoire et l’intimité gourmande de la cuisine, entre rigueur d’un protocole scientifique et plaisir des jeux d’eau enfantins. À travers une multitude d’échelles de temps-espace, les courants éphémères nous invitent à un voyage imprévisible vers la dissolution parfaite.