« Il y a cette étrange entité de l’instant qui se place entre le mouvement et le repos, sans être dans aucun temps, et c’est là que vient et de là que part le changement, soit du mouvement au repos, soit du repos au mouvement. » PLATON, évoque sa définition de limite ambiguë de l’instant dans Le Parménide.
Une roue descend un plan inclinée. Au contact, trois point se confondent. Deux points matériels, l’un appartenant à la roue, l’autre au plan, le troisième point n’est pas lié à la matière mais au mouvement, il décrit la suite dans le Temps-espace du contact et est appelé point coïncident instantané. Le point coïncident instantané interroge la position d’un point particulier d’un solide sur un Temps en mouvement continu. Cet instant détermine un arrêt autant qu’une continuité.

Les horloges et les calendriers permettent de cadrer l’unité de mesure ‘Temps’ et nous aident à nous situer à l’intérieur de cette mesure: le présent, le passé, le futur. Néanmoins l’instant qui est définit sans épaisseur ni durée parait comme hors du temps. Comment devient-il un rythme, une scansion? L’instant est le plus petit élément constitutif du Temps, tel un point de contact sans surface, un hors-champs d’une durée non référencée, un hors Temps.

Une machine métallique, réminiscence des sphères armillaires, réalise des conjonctions, des alignements de planètes dans un espace replié par une anamorphose circulaire. À l’intérieur d’un grand cercle tournant, un second cylindre se meut, entraîné dans une chute perpétuelle par la rotation du premier. Le spectateur est ainsi dans le référentiel du point coïncident instantané, qui suit à tous les instants le contact.

Les deux cylindres sont percés de part et d’autre. Lorsque les deux ouvertures s’alignent, la lumière placée à l’extérieur du grand cylindre traverse tout l’espace intérieur de la machine. Cet éclair de l’instant, lors des conjonctions intérieures, est fugace et sa durée comme son intensité varient à chaque rencontre. Les rayons intérieurs du grand cylindre et extérieur du petit, choisis dans un rapport incommensurable, provoquent des alignements des deux vides toujours différents, toujours imparfaits.

La répétition de ces Conjonctions intérieures produit une fréquence, un rythme. L’attente du moment, la contemplation des roues qui tournent, matérialisent un écoulement du Temps, où l’instant devient une nouvelle mesure de référence.

Conjonctions, Olga Flor et Jean-Marc Chomaz : installation à l’Hotel Lallemant dans le cadre de Bourges contemporain, 2 juillet 2021 au 16 septembre 2021