Arts, sciences & citoyens
Ce programme porte l’objectif d’imaginer demain, et pour cela réfléchir à nos préoccupations partagées, scientifiques, écologiques, citoyennes, afin de dessiner un horizon de pensée et de travail, une narration du monde. A travers ce programme de recherches partagées entre scientifiques et artistes, nous proposerons la construction de nouveaux types d’expériences, avec différents formats et temporalités, pour interroger nos certitudes, élaborer des hypothèses et laisser émerger des nouveaux protocoles et nouvelles formes de création. Les thèmes sont en résonance avec des enjeux de notre société contemporaine : le vivant, la forêt, l’atmosphère, l’océan, le climat, le cosmos, les irisations du temps, la construction des savoirs, l’intelligence artificielle.
Depuis sa création en 1990, le Laboratoire d’Hydrodynamique s’est investi dans des projets de recherche mêlant arts, sciences & Citoyens en invitant au laboratoire des artistes de toutes les disciplines (cirque, théâtre, design, art contemporain, musique…). Cette action précurseur, fortement reconnue à l’échelle Nationale et Internationale, nous a permis de jouer un rôle transformant au sein de l’Institut Polytechnique de Paris (IP Paris) avec la création du département SHALL [Sciences Humaines Arts Lettres et Langues] puis du centre interdisciplinaire SPIRAL [Science, People, Imagination, Research, Art, all Linked] en 2023 qui regroupe 80 enseignants chercheurs permanents de 5 institutions de l’IP Paris. Dans le monde académique nous contribuons à définir la recherche création comme une autre forme de construction de savoir entre recherche théorique et recherche appliquée avec trois thèses soutenues ces trois dernières années en Art au sein de SHALL.
Ainsi de 2017 à 2023 le LadHyX a porté la première chaire arts & sciences en Europe entre l’École polytechnique, l’École des arts décoratifs-PSL et la fondation Daniel et Nina Carasso qui a donné un cadre et des moyens importants pour le développement et l’essaimage de cette recherche-création. La chaire arts & sciences relayée maintenant par le centre SPIRAL, développe un ensemble d’activités sous le signe de la coopération et de l’interdépendance : entre les disciplines, entre le monde académique et la société civile, entre les humains et leurs environnements terrestres et techniques. Comment agir ensemble dans un contexte d’urgence écologique, d’incertitudes sociétales et d’évolutions technologiques et financières non raisonnées au regard du bien commun ? Comment reconsidérer nos liens d’interdépendance(s), nos modalités d’interaction et nos relations sensibles, entre humains, non-humains et machines?
Pour aborder ces questions, le programme allie trois modalités principales :
1. des projets de recherche-création qui mêlent de nombreuses savoirs, savoir-faire et acteurs (végétaux, machines, …) et donnent lieu à des réalisations d’œuvres, de dispositifs expérimentables ;
2. une démarche de formation par la pratique qui engage les étudiant.e.s dans un apprentissage collectif par le faire, via des ateliers, l’écoles d’été Useful Fictions ou des stages pluridisciplinaires ;
3. l’invention de situations visant à renouveler les rapports aux publics : posters-brunchs, soutenances-démos, workshops publics, tables rondes performatives et une revue basée sur l’image : .able.
Pour une réinvention des sciences
Les scientifiques commencent à comprendre que la science et l’approche scientifique pourraient être inefficaces pour résoudre ou même envisager la réalité et la signification, non seulement de la crise écologique et sociétale évoquée plus haut, mais aussi des nouvelles frontières, telles que les questions non résolues sur la vie et la conscience. Ces questions échappent à la science, qui procède en divisant un problème complexe, une question appliquée à un grand système réel, en petits problèmes isolés, reformulant éventuellement la même question en l’appliquant à un plus petit système maîtrisé mais fictionné, jusqu’à la limite où le problème peut être étudié par une expérience de laboratoire, par une suite de calculs dans la mémoire binaire d’un ordinateur, ou comme un modèle théorique dans un espace mathématique exploré par la pensée.
Ainsi les résultats scientifiques reposent sur des démonstrations rigoureuses suivant un protocole objectif où les biais potentiels sont précisément évalués ; mais le cadre qui permet leur établissement en définit aussi la limite. Ces faits scientifiques sont des constructions à la fois sublimes et fragiles parce qu’humaines, des Fictions Utiles. Ils résultent d’une suite de cose mentali, actes de compréhension et actes manuels, où le savoir-faire permet l’exécution de la preuve par la démonstration ou le calcul. Ensemble, ils définissent un mode d’existence et de vérité, une forme de connaissance dans un processus que suit aussi la peinture, comme l’ont affirmé Leon Battista Alberti et Leonard de Vinci. Pour ces grands maîtres, la peinture est une science ; mais à l’inverse, la science ne devrait-elle pas être considérée comme un art, dans le sens où les scientifiques mettent en œuvre leur approche spécifique dans le monde, et engagent leur vision à travers des expéditions, des explorations virtuelles, et des expériences de pensée qui amènent la recherche scientifique à performer le réel ?
L’art et la science peuvent-elles englober ensemble toutes les performances et tous les récits nécessaires à la mise en pensée de cette confrontation, et remettre en question nos croyances et nos observations, ainsi que la nature, la légitimité et l’éthique de la pratique scientifique ?
Une fois qu’une telle vision commune raisonnable aura été construite à travers l’art, l’art et la science, et les récits scientifiques, elle devrait affecter les actions de tous les individus et de toutes les communautés. Comme effet secondaire, elle pourrait contribuer à ramener la pensée critique dans la marche du monde.